Donner les clés et mettre l’espace à disposition

cropped-bandeau6Dans le cadre de “Campus 2025, Université utopique de Poitiers”, entretien avec Noémie Magnant, accompagnatrice de projets à Poitiers Jeunes.

[Extraits]

Crée en 1994, Poitiers Jeunes est une association qui poursuit « un objectif global d’encourager et soutenir les projets des jeunes : des projets de loisirs, sociaux, culturels, autour de l’environnement et de l’humanitaire, etc. ». Elle propose des entretiens individuels, du conseil ou encore l’organisation de sessions de formation. Elle est à l’origine d’événements culturels importants, le festival Les Expressifs et le Carnaval de Poitiers, qui permettent aux jeunes de produire ou présenter leurs projets. Poitiers Jeunes a développé plusieurs partenariats avec l’Université de Poitiers, le public de l’association étant composé en grande partie d’étudiants. Ces partenariats portent tout aussi bien sur de l’entraide matérielle que sur l’organisation de manifestations communes. Dans le cadre d’A chacun ses utopies, des Express Cafés (moments de discussion-formation) ont été organisés sur le thème des projets musicaux et de spectacles vivant, avec la collaboration du pôle des musiques actuelles et l’agence culturelle du spectacle vivant. L’idée est « d’instaurer des moments conviviaux pour que des connexions se fassent » entre les jeunes et avec des professionnels.

Les collaborations de Poitiers Jeunes avec le service culturel de l’Université sont de différentes natures et s’appuient beaucoup sur leurs festivals respectifs.

« Cela tombe assez bien car Campus en festival est au mois de mars et Les Expressifs sont au mois d’octobre. Il y a donc six mois de battement entre les deux. Certains projets que l’on peut retrouver à Campus en festival peuvent avoir une prolongation. Et Lionel Poutaraud [chargé de mission au service culturel] avec qui on travaille, peut nous conseiller et proposer aux étudiants de jouer aux Expressifs. Ils peuvent aussi faire l’inverse et faire une première présentation aux Expressifs. Lionel nous demande ensuite qui pourrait jouer lors de Campus en festival. Ensuite, nous avons des collaborations un peu plus informelles qui ne font pas l’objet d’une convention de partenariat mais qui sont quand même un travail commun. »

De nombreux partenariats sont également développés avec le CRIJ ou d’autres structures identifiées dans l’accompagnement des jeunes, telles la mission locale, Animafac ou Unis Cité. Une action importante est par exemple menée autour des formations intitulées « Soit jeune et forme toi ». Les acteurs de l’accompagnement construisent ainsi des espaces d’échanges et de réflexivité sur leurs pratiques et sur la complémentarité des services et des aides qu’ils proposent. (…) Le collectif API Jeunes (Accompagnement des Projets et des Initiatives) se constitue officiellement fin 2013, il reçoit le soutien méthodologique du Conseil de développement responsable du Grand Poitiers. Des maisons de quartier se sont jointes aux moments d’échanges ainsi que le service jeunesse de la ville de Poitiers. Un premier plan d’action est dressé pour 2014. Aujourd’hui, l’Université de Poitiers contribue aux discussions à travers la Maison des étudiants ou encore le Safire. Le principe de collaboration au sein du collectif API Jeunes est de réfléchir à la place des jeunes dans les structures d’accompagnement mais aussi à leur place dans « la vie de la cité » et à leur « devenir citoyen ».

« Nous avons beaucoup de jeunes dans notre conseil d’administration. Chaque structure s’interroge différemment et développe des démarches spécifiques sur la place des jeunes. Nous, nous leur donnons une place dans nos instances dirigeantes. D’autres vont accueillir plus de jeunes en service civique ou leur donner une place dans la réflexion sur le fonctionnement de la structure. C’est bien de voir ce que font les autres : ce qui marche et ce qui ne marche pas. Nous faisons beaucoup de recherche-action en fait. (…) C’est en reconnaissant les compétences des jeunes et en leur donnant confiance qu’ils peuvent eux-mêmes sentir qu’ils ont une place, et que les autres générations peuvent leur laisser une place. »

La place des jeunes dans la cité est ainsi directement articulée à une formation « citoyenne » qu’ils acquièrent dans leurs engagements artistique, culturel et associatif. Manquer de lieux pour que cette formation puisse se réaliser est un préjudice à leur implication future dans la société. Leur faire confiance et leur laisser les clés d’un lieu est ainsi une façon de leur accorder des responsabilités.

« Avec l’université, je trouve qu’il y a de belles choses qui sont faites lors de Campus en festival. Avec les Lézards Optiques, il y a eu la nuit post-apocalyptique. Pour moi, il y avait vraiment ce côté “utopie” : on peut se dire que maintenant encore cela peut être possible de mettre à disposition tout un étage d’une UFR à des jeunes, de leur faire confiance, de le leur laisser jusqu’à tard dans la nuit. »

A l’échelle d’une ville comme Poitiers, les choses sont plus problématiques : l’espace public est « contraint » par des « interdictions » comme celle de la prohibition de l’alcool dans la rue. Les étudiants sont obligés de se replier dans les appartements et de « se cacher », du fait de « libertés amoindries ». Pourtant, la ville est vue comme étant plus « conviviale » que le campus le soir : « on préfère se retrouver en ville que d’aller en Cité U parce que c’est très triste et qu’il n’y a pas d’ambiance ». Dans ce contexte, l’aménagement de la place de l’hôtel de ville fait problème :

« Des critiques ont pu être émises : on se retrouve avec une grande place vide et minérale. C’est très froid. On constate que les jeunes ont besoin de convivialité et de pouvoir s’approprier des lieux d’une autre manière. On voit aussi que des lycéens se retrouvent dans de petits endroits plus confinés qui deviennent des lieux de rencontre, des lieux un peu de “squat” où ils se retrouvent entre potes. Et il y a cette grande place qui reste déserte. »

Il faut aussi comprendre la temporalité dans laquelle sont les étudiants : une année scolaire est très courte et il leur est difficile de développer un projet dans ce temps là. Certains font volontairement l’impasse sur les demandes de subvention à cause des délais imposés. Et, pour eux, faire une démarche pour avoir l’autorisation d’organiser un événement dans l’espace public relève de la mission impossible. (…) C’est ce qui explique que les jeunes présentent de nombreuses demandes dans le cadre du festival Les Expressifs. C’est l’une des rares occasions pour eux d’avoir accès à l’espace public. L’association Poitiers Jeunes se charge des demandes d’autorisation et de construire un cadre qui permet d’accueillir des projets artistiques, avec des moyens scéniques et techniques mais aussi un accompagnement professionnel. Malheureusement, Poitiers Jeunes ne peut pas satisfaire toutes les demandes reçues chaque année. En conclusion, on peut dire que l’un des rôles essentiels de l’association est aujourd’hui de mettre à disposition des jeunes de l’espace pour favoriser leur expression.